ujourdhui Terre dune extrême réussite du vin, Médoc était la
Terre du Milieu. Habitée sans doute de tout temps, les romains découvrent dans cette
Pagus Medulorum des peuplades de celtes. On y connaît la vigne, mais pas en
vignoble moderne, seuls quelques ceps sont cultivés dans les jardins des villages. Les
terres environnantes , faites de collines boisées et de forêts, séparées par des
marais et des landes stériles, sont réservées aux oiseaux migrateurs. La mer y exerce
une influence à la fois tempérée et sévère au nord, vers la côte, puis petit à
petit les plaines plus au sud commencent à fournir des récoltes. Ausone, consul romain
propriétaire et poète, fait la réputation des « vini di Burdigala ».
La culture de la vigne devient courante alentour des cités médiévales et
des prieurés. Mieux, la culture organisée apparaît dans le sud. Dailleurs, hors
du Médoc dans la région des Graves en amont de Bordeaux, les alignements de ceps sont
nombreux. Les nobles consomment de plus en plus ce breuvage, puis organisent à leur tour
ce qui va progressivement devenir vignoble. Par le mariage dAlienor dAquitaine
avec le roi dAngleterre Henri II Plantagenet, auquel elle apporte en dot
lAquitaine et ses vignobles, lexportation va démarrer de très bonne heure.
Au XVIème siècle, on gagne encore des terres vers le nord grâce à
des travaux importants dassèchement des marais menés par des ingénieurs
hollandais expérimentés. Les cultures se développent et la vigne trouve alors sa place
délection sur les collines, ces croupes impropres aux aux céréales et pâtures.
Au XVIIème siècle, les seigneurs ayant cédé leur place aux nobles
bordelais, les vignobles deviennent domaines. Les croupes graveleuses sont couvertes de
vigne, les paluds ou palus eux-mêmes sont colonisés, tout-au-moins lorsque la vigne y
réussit. Dans la seconde moitié du XVIIIème siècle, le vignoble du Médoc a pris son
visage actuel, seuls les Châteaux darchitecture somme toute récente restent à
édifier.
Un vin de
qualité
Limplantation de la vigne sur des terroirs variés, terres de
paluds et croupes graveleuses, a suscité au XVIIème siècle une volonté de mieux
identifier les bons terroirs. Le lien entre sol et qualité du vin est établi.
Au XVIIIème siècle, on rationalise alors ce qui devient une culture
à part entière : orientation des vignobles, alignement des ceps, labour raisonné
et même soins apportés à lécoulement des eaux, sans parler encore de drainage
des terres les moins pentues.
La vinification évolue, les cépages sont essayés et améliorés, les
cuvées de différentes qualités sont déjà séparées en premier et deuxième vin. Les
chais sont modernisés. Au milieu du XVIIIème siècle, les termes de Grand cru et
Château sont bien définis. Le vin est largement consommé, exporté vers des contrées
de plus en plus lointaines, sa renommée est faite.
Inévitable
Phylloxera
Au XIXème siècle, le vignoble bordelais allait lui aussi être
touché par larrivée fracassante de ce ravageur redoutable, le petit puceron Phylloxera.
Les porte-greffe américains sauvent le vignoble, qui doit être entièrement
renouvelé. Les ventes reprennent petit à petit, les exportations aussi, puis la crise de
1929 stoppe à nouveau les ventes. La deuxième guerre mondiale et le grand gel de
lhiver 1956 achèveront de mettre un terme à la belle aventure du Médoc. Des 20
000 hectares du XVIIIè siècle, il ne reste que 6000 ha en 1960.
Une prise conscience collective des fantastiques possibilités de la
région a conduit à améliorer ce qui pouvait lêtre encore : replantations et
arrachages nécessaires, drainage et amélioration des terroirs qui peuvent lêtre,
modernisation des équipements, utilisation de la science du vin, lnologie.
Depuis trente ans, les surfaces ont ainsi doublé sans toutefois retrouver, et cest
sans doute tant mieux pour la qualité, les surfaces dantan.
Ce travail se poursuit encore. La modernité des chais délevage
le dispute au charme des chais de vieillissement. Les médocains, fiers de leur passé,
misent tout autant sur lavenir par des investissements de nature industrielle . Mais
les Châteaux, à larchitecture quelquefois déroutante et toujours émouvante,
semblent veiller pour longtemps sur cette « Terre du Milieu ».
"Classification
Officielle des Vins de 1855"
La plus grande manifestation mondiale dalors, lExposition
Universelle de 1855, sera loccasion de répondre au souhait de Napoléon III :
créer un système de classification des vins qui seront dégustés au cours de
lExposition, étant donnés que les vins de Bordeaux sont alors reconnus comme les
meilleurs du monde.
Cette "Classification Officielle des Vins de 1855" na
pas été assise sur une compétition mais tout simplement sur une évaluation par des
courtiers de la place. Cette classification par niveau, basée sur le prix des Châteaux
et leur réputation, la réputation faisant le prix, loin des règles actuelles de
loffre et de la demande.
Le Médoc tira brillamment son épingle de ce jeu dangereux. Parmi les
rouges ainsi classifiés tous sont des Châteaux du Médoc, à lexception qui
confirme cette drôle de règle du Château Haut-Brion (Graves). Donc, les Saint-Emilion
et autres Pomerol en sont exclus, le classement ne retenant quune partie de la rive
gauche de la Garonne.
Les vins ont été classés du 1er au 5e cru.
Pour les Blancs, les liquoreux Sauternes et Barsac sont retenus.
Depuis cette date lointaine, seul Château Mouton-Rothschild a changé
de catégorie passant de 2ème à 1er cru classé en 1973.
Nombreuses sont les voix qui sélèvent contre un système jugé
plus que jamais arbitraire et obsolète, il faut toutefois reconnaître que si
classification ou classement il y a, la perfection est exclue et quaujourdhui
le niveau dinformation du consommateur lui permet de se fier à dautres
évaluations que le beauté niveau du cru sur létiquette.
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